Voilà, c'est une petite nouvelle. Elle est peut-être un peu violente mais bon, c'est comme ça que je l'ai imaginé^^
Sauter
J'étais obligé. Je devais le faire. Vous comprenez. Ça me brûlait de l'intérieur. Je savais que ce n'était pas bien, que je ferai du mal aux personnes que j'aime. Mais, plus je me forçais à résister, plus je m'approchais du bord. J'avais comme l'impression qu'un démon de la perversité me serrais le cœur, me poussait... Malgré tout, j'ai franchi le pas. J'ai sauté dans le vide, vers l'inconnu. La douleur ne me fait plus peur, la peine non plus.
Je sais. Vous pensez que je suis fou, malade. C'est peut-être vrai. J'ai toujours vécu dans le luxe, entre une mère aimante et un père admirateur. Fils unique. Enfant gâté. Toute mon enfance j'ai eu ce que je voulais. Tout allait pour le mieux... Du moins, en apparence... Le jour de l'anniversaire de mes 7 ans, ma mère est hospitalisée pour un cancer qu'elle cachait. Quelque jours après, elle meurt. Mon père sombre dans l'alcool et la drogue. La maison devient un lieu de débâcle, un défilé de prostituées.
Un jour, mon père rencontra celle qui changea sa vie, une psy blonde. Le bonheur revint. Tout allait bien. Seulement, voilà, j'aime les hommes. En fait, les femmes m'écœurent. Je comprends que cela puisse vous choquer.
Je crois que tout a commencé au collège, en quatrième plus précisément. C'était lors d'un cours d'éducation morale et civique. C'était le dernier cours de la journée, tout le monde était fatigué. La prof a donc proposé de faire un petit jeu. On se mettait par groupe de deux ou trois et on faisait une petite pièce où l'on débattrait du sujet. Les thèmes étaient variés : drogue, religion, alcool, droit des femmes, cigarette... Plusieurs groupes passent avant nous. Je m'étais évidement mis avec Abel, mon meilleur ami.
C'est à notre tour. Nous nous dirigeons vers l'avant de la classe. Je pioche un sujet et le lit à haute voix : « Homosexualité ; vous avez vu deux femmes se tenir la main et s'embrasser. Quelle est votre réaction ? »
On s'installe sur l'estrade. Les élèves applaudissent. Puis le silence revient. Un léger malaise... Je m'exclame alors :
« Ah ! Mais c'est dégueulasse !... »
Le visage d'Abel se décompose. Il avait cette sorte de tristesse que je ne lui avait jamais vue, une tristesse mêlée d'amertume. Il répondit timidement :
« Tu dis ça parce que c'est deux femmes, deux personnes du même sexe. Un couple d'hétéros, ça ne t'aurait rien fait !
-Non ! Absolument pas, rétorquai-je un peu décontenancé, on ne s'embrasse pas devant tout le monde. Un peu d'humilité et d'intimité. On se galoche dans la rue et bientôt on y couchera...
-T'exagères un peu...
-Mais !... Puisque tu le dis... Deux femmes ensembles, deux hommes ensembles... Non ! C'est pas naturel. Il existe un homme et une femme ; ils sont faits pour s'assembler. C'est comme deux pièces de puzzle...
- Mais, c'est juste de l'amour ! Deux personnes qui s'aiment, qui veulent vivre ensembles. Quand tu tombes amoureux, c'est ton cœur qui parle, pas ta tête.
- Il faut un homme et une femme pour faire des enfants. Et puis, les pédés nous ont apportés le SIDA. On devrait les remercier ?
- Sale homophobe ! T'es juste coincé dans des préjugés ancestraux. T'as peur... T'as peur de...
- Ah oui, le coupai-je, tu les défends ? J'ai comme l'impression que tu es très éloquent sur le sujet. En plus, t'es sorti avec aucunes filles depuis qu'on se connaît. C'est bizarre tu ne trouves pas ? Peut-être qu'en fait tu es une petite tapette... Une suceuse de bites, un pervers tordu... »
Abel éclata alors en sanglots. Il était tout rouge. Il tremble de partout. Un gars de la classe crie : « Sale pédé ! ». Je me souviens de la vague d'insultes qui avait alors surgit de nulle part. Abel n'arrive pas à supporter la vague de haine qui le gifle en pleine figure. La prof réagit un peu trop tard, il s'était déjà réfugié aux toilettes.
Oui...J'avais peur... J'avais peur de qui j'étais, de ce que je devenais. Je décortiquai chacun de mes gestes, chacune de mes réactions. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivais. Il m'a forcé à réagir.
Les semaines qui suivirent furent un calvaire. Chaque coup qu'il recevait me faisait souffrir. Il fallait que ça finisse.
Un mardi, il fut retrouvé écrasé en bas de son immeuble. Il était tombé du cinquième étage. Ma belle mère nous a alors encadré. Le suicide est pire que tout.Quelques années plus tard, les malheurs me poursuivent.
Je rentre du lycée. J'avais enfin réussi à contrôler cette peur. Elle faisait maintenant partie intégrante de moi. Je ne connaissais personne. Au bout de quelques jours, je m'étais fait quelques amis. Je me sentais enfin bien. J'étais entouré de gens qui m'appréciaient. Puis, tout bascula en un instant. Il a suffit d'un seul coup d’œil pour que je comprenne que j'avais trouvé ce qu'on appelle l'alter ego, l'âme sœur, l'autre moitié de soi.
Il s’appelait Antonio Velez. Il avait la peau légèrement foncée. Il était bien musclé. Un début de barbe marquait ses tendres joues. Un grain de beauté en forme de cœur sur la nuque. Mais c'était surtout son regard. Un regard brûlant, perçant.
Je n'ai pas pu résister à son charme d'adolescent de 18 ans. Je lui ai alors fait des avances. Il me dit qu'il était déjà en couple, avec un bel étalon en plus. Je souffrais, comme transpercé par une lame glacée. Je voulais disparaître. Effacer tout ce qu'il s'était passé.
Cependant, l'information que je préférais les hommes aux femmes fit le tour du lycée en un rien de temps. Mes amis s'éloignèrent peu à peu de moi comme d'un lépreux. Tristan, un gars populaire me prit alors pour une tête de turc. Tous les jours, il m'humiliait. Tantôt distribuant des tracs avec moi et des... pénis m'entourant. Tantôt en m'enfermant dans un vestiaire. Sous compter toutes les moqueries que je devais subir, les yaourts renversés sur mes habits.
Les jours défilaient devant moi. Je me disais qu'un jour ça irait mieux, qu'ils m'oublieront et changeront de cible. Mais rien ne s'améliorait. Ça ne faisait même qu'empirer. J'ai alors tenté de me suicider. J'ai échoué à ça aussi. Je me sentais seul, sale. Malade de je ne sais quoi. Les gens défilaient devant mon lit d'hôpital. Je voulais sombrer alors dans je ne sais quelle folie. J'étais totalement vide...
A mon retour au lycée, quelques personnes vinrent me demander pardon. Mais la plupart passaient leur chemin sans rien dire, trop honteux de ce qu'ils avaient fait. Je revis Tristan. Il était tout pâle. Tremblant de peur, il était venu me parler une fois, cherchant un pardon que je ne pouvais pas lui accorder. Il en est mort, baignant dans son sang.
Pourquoi faut-il que la mort soit la seule fin ? Pourquoi n'existe-t-il pas une fin joyeuse ?
Le reste de ma scolarité fut une suite chaotique. J’obtins difficilement mon bac. Je n'arrivait pas réellement à exister.
Mais on ne peut pas arrêter le cours du temps. Il file à toute allure sur la route de la vie. Les gens peinent à le rattraper tandis que moi, je les regardais du bord de la route. Tout me semblait abstrait. Mon passé devenait le futur, le présent une période parallèle. Je vivais la nuit et dormais le jour.
« La drogue m'avait agrippé bien fermement. Ecstasy, LSD, cannabis... Tout se ressemblait... Je courrais à ma perte.
Lorsqu'un jour, je revis ce regard qui m'avait brûlé au fer rouge le cœur. Antonio me tendit la main, tentant de me sortir du trou dans lequel je m'étais enfoncé. La lueur ambrée qui brillait deux perles me transporta. Je m'accrochai à sa main, tel un poisson à son hameçon.
Mon destin allait-il enfin pouvoir changer ?
Je voyais Antonio comme un prêtre qui me purifierait de tout ce que j'ai vu, de tout ce que j'ai fait, par son amour. Il effacerait tous mes malheurs.
« Arrête de te laisser tomber comme ça ! Ressaisis-toi !
Pourquoi ? articulai-je à grande peine, je ne sers à rien ni à personne...
Ton père t'aime, tes amis t'aiment, je t'aime... »
Je me rappelle avoir cru que mon cœur allait se briser.
« On tient tous à toi... »
Je repris vie.
Je voulais changer pour Antonio...
Je n'étais, me semblait-il, plus le même...
J'avais retrouvé mes amis, mon père et sa psy.
Je me disais que tout ne pouvait aller que pour le mieux.
Après quelques mois de rétablissement, je décide enfin de trouver Antonio dans un bar gay. Je marche dans la rue. Le vent glacial me frappait la figure. Je me sentais tout léger. J'accélère un peu pour arriver le plus vite possible au rendez-vous.
Je vois enfin l'enseigne du bar.
Un couple d'hommes marchait, main dans la main. Ils étaient si mignons. Je les examine un peu plus. Je remarque un grain de beauté sur la nuque en forme de cœur... Antonio
Le vide...
Je ne sais plus où je suis.
Des images me reviennent en mémoire.
Tristan, les larmes coulant à flot sur ses joues roses. Tristan assis sur son lit et moi debout à la porte de sa chambre. Une soumission totale. Les veines coupées profondément. Son regard plein de tristesse et de douleur. Le sang coulait partout.
Je devais agir, je cours dans tous les sens, cherchant la lumière qui tirerait de ce sombre cauchemar.
Un nouveau flux d'images.
Abel me réconfortant, les mains enlacées sur le balcon de son appart'. Un sourire illuminant son visage bronzé. Un baisé long et langoureux. Moi le poussant par dessus la barrière. La peur et l'horreur que son visage affichait. Le sang coulant sur le bitume.
Mon cœur bat à cent à l'heure. Les gens me regardent effrayés. Tous ces pédés, toutes ces gouines, tous ces travelos, tous ces dégénérés, drogués et pervers.
Encore ces images.
Ma mère suffocant, de lourdes larmes coulant sur ses joues crispées, ma main posée sur je-ne-sais-quel bouton d'une machine, les infirmières se précipitant pour la sauver, la douleur ressenti lorsque mon père pleura...
Laissez-moi tranquille !
Mon père nu, une bouteille de bière à la main.
Viens...
Tout le monde courait. Se précipitant. Se bousculant. Se renversant.
Antonio tu m'as trahi...
Pan !