nouvelle réaliste: la soupe du vieux faucheur

Le paysan de Bontan ou, comme les villageois l'appelaient, le vieux faucheur était un homme humble dont le bonheur simple faisait des envieux. Il était marié à la belle Irina, une femme du peuple qui, l'heure de midi sonnant, lui apportait dans son champs sa maigre pitance généralement constituée d'une soupe d'eau chaude mêlée à quelques menus légumes. Ce frugal repas le contentait tout de même pour sa journée de durs labeurs. Durant ses longues heures de travail acharné, le train passant au loin lui permettait de s'échapper par la pensée de ses lancinantes douleurs liées à son grand âge. Tout le village se perdait en commérage à propos de la source de sa robustesse en le voyant hardiment aiguiser la lame de sa faux.

Un jour, sa femme vint à mourir, emportée par une maladie inconnue. Durant trois jours, le faucheur arrêta de se sustenter à tel point qu'il n'avait plus que la peau sur les os. De nombreux médecins se succédèrent mais aucun ne trouva la clef du problème. Le vieil homme errait dans son champs comme une âme en peine ne pouvant être soulagé. La nuit, il semblait assailli de toutes parts par de terribles cauchemars. Lorsque l'on essayait de lui parler, il avait l'air absent et ses réponses étaient évasives. Un matin, un jeune garçon lui étant redevable vint à son chevet et chercha longuement un remède mais ses recherches furent vaines car il savait que la seule chose qui pouvait le ramener était l'amour de sa défunte femme. Il décida donc de préparer une soupe comme le faisait cette dernière et la proposa au vieux faucheur. Celui-ci s'apaisa, but le potage et s'endormit pour son dernier sommeil, un sourire aux lèvres.