-Conneries….C’EST DES CONNERIES !
-Thel, calme-toi.
Raphaël faisait médecine. Des études dures, longues, qui lui ont demandés beaucoup de temps et d’efforts. Tellement de projets de sorties ont dû être annulés car il devait travailler. Des journées de jeu de rôle papier, des sorties au ciné, soirée jeu, pleins d’autres choses…Je ne pouvais pas lui en vouloir, bien au contraire.
On avait pu se voir en août, avant que les grandes vacances ne se terminent. Nous avions prévu de jouer à un jeu fraîchement sortis toute la journée, et qui semblait être génialissime. Lucien et son frère étaient de la partie également, mais n’étaient pas encore arrivé alors que j’ai été le premier à sonner chez Raphaël. Nous sommes restés une bonne dizaine de minutes seuls, dans sa chambre, à discuter.
Rien n’était meilleures que mes discussions avec lui. On employait beaucoup d’humour mordant et subtil, parfois cynique, parfois absurde, on pouvait parler de n’importe quel sujet avec beaucoup d’entrain et de passion. Ce n’était jamais l’ennui. Chaque soir, on se parlait sur skype, et je continuais à discuter avec lui-même après que minuit soit passé, caché sous ma couette pour éviter que mes parents voient de la lumière en bas de ma porte.
Parfois, je me sentais mal de lui parler aussi tard, à cause de ses études. Mais quand je lui en parlais, il me disait toujours que me parler était une chose qui l’aidait, car il avait besoin de décompresser régulièrement pendant qu’il révisait. Je l’admirais réellement pour son travail et les efforts qu’il y mettait, son sérieux…Peut-être car je suis un vrai glandeur et que la moindre personne qui faisait un minimum son travail m’impressionnais, mais aussi car il y mettait beaucoup du sien.
14 au concours. Non admis en deuxième année de médecine. J’ai bien cru que j’allais casser les meubles.
Il était assis sur son lit, tandis que je tournais en rond dans sa chambre, commençant à accumuler ma rage.
-tu as eu une note parfaitement correcte, Raph. Parfaitement correcte, et tu n’es même pas passé. Tu as déjà fait une première année, tu as redoublé pour en faire à nouveau une autre, et tu aurais dû passer !
- Je peux pas y faire grand-chose maintenant.
-Mais ce n’est pas toi qu’il faut blâmer. Ce sont les autres, ces idiots derrière les concours. Ce système de gradation ridicule. Qui est-ce qui sont les premiers ? Pas des futurs médecins. Juste des bêtes de travail et des types perfectionnistes qui sont nés pour être bon aux études, mais pas pour être médecins. Ils auront pas les tripes ou le comportement d’un VRAI BON médecin. Et l’année prochaine, tu auras la moitié de ces gars qui vont se barrer car ce n’est pas ce qu’ils veulent faire. Ils se barrent après n’avoir pas laissé de chances aux VRAIS personnes qui auraient pu devenir médecin. TU aurais dû passer !
Il se leva et se mit devant moi, m’arrêtant dans ma marche :
-Ce n’est pas en t’énervant que ça va arranger les choses
-Mais tu aurais du…
-Thelo, s’il te plaît…Calme toi un bon coup !
J’ai toujours été quelqu’un d’impulsif et de colérique. Tout petit, j’exprimais avec une grande force ma colère, frappait sur les murs, jetais des objets sur mon grand frère quand il m’énervait, ou encore donner des coups à mes « camarades » de classes qui se faisaient une joie de me traiter comme si j’étais un alien.
J’avais été viré d’un collège deux semaines après mon admission, car une fille à la récréation m’avait poussé à bout. C’était elle qui avait été mauvaise envers moi, sans aucune raison, et je fus celui qui était punis. L’injustice est l’une des choses qui enclenche le plus rapidement ma colère, et plus jeune, je la déchainais avec puissance. Ce jour là, j'étais assez enragé pour qu'il ai fallu six adultes pour me tenir et me calmer. La directrice était partit du principe que je ne devais être qu'un enfant battu pou avoir été aussi enragé (alors que je ne pouvais trouver de parents plus aimants et préoccupés que les miens).
Au fil du temps, j'apprenais à me contrôler et on me dit assez que j'ai l'air d'un garçon calme et délicat. C'est bien car j'arrive aujourd'hui à ne pas laisser mon impulsivité bouillonnante prendre le dessus. Mais parfois, il m'arrive d'être à deux doigts d'exploser. Il y a un mois, j'avais regardé le film "le dernier loup" au cinéma, histoire vraie sur la guerre entre les mongols, les chinois et les loups. Pour tuer les louveteau, ils les prennent par la queue, les tournoient comme une fronde et les envoient en l'air pour les fracasser contre le sol. Voir en film ces louveteau, ces créatures vivantes, innocentes, pures, délicates, fragile, se faire tuer comme ça, pour des "crimes" qu'ils n'avaient même pas commis et me dire que tout ça était tiré d'une histoire vraie...Je n'avais qu'une seule envie, c'était de plonger dans l'écran et d'étrangler comme un sauvage les personnages jusqu'au dernier. Ma voisine de siège a du remarquer mon instabilité, car elle s'est bizarrement décalé d'une place après être allé aux toilettes.
Quoi qu'il en soit, Raphaël avait rapidement compris que je suis une usine à colère parfois prêt à exploser. Heureusement, il arrivait souvent à me calmer. Il est diplomate, a une voix calme, rassurante.
-Tu es calmé maintenant?
Je desserrais les poings.
-Tu devais passer en seconde année...C'est ce qui est juste, c'est ce qui aurait du arriver...
-T'inquiète pas. Je suis dégoûté, c'est vrai, et je ne vais pas refaire une troisième fois la première années, mais je vais me rediriger autre part.
-Je suis désolé que tu n'ai pas eu cette chance
-Tu n'as pas à l'être.
Il me faisait un sourire. Il était assez optimiste comme gars. Mais il ne s'autorisais pas de vivre et d'être quelqu'un. C'est une personne qui est beaucoup trop doux, timide. Un souffre-douleur au lycée: on lui baissait son pantalon en cours de sport, faisait passer la rumeur qu'il était hermaphrodite...Et son plus grand problème est qu'il ne veut décevoir personne et tout faire pour qu'on ne lui reproche rien. Il ressentais tellement ce besoin d'être quelqu'un d'humble et de serviable, de bon qu'il souffrait de retirer du plaisir à aider, de peur que cela le rende égoïste et mauvais.
Je n'aime pas voir les gens que j'aime souffrir. Je déteste ça au plus haut point et ne pas pouvoir agir pour éviter la souffrance de mes proches m'angoissait horriblement. Je me sentais mal, j'avais envie de l'aider, mais je ne pouvais rien faire.
-J'aimerais pouvoir faire quelque chose.
-Tu n'y peux rien. C'est la vie, faut accepter ça. Et puis tu m'as déjà aidé avec toutes ces conversations. Tu as pu m'aider à ne pas devenir fou.
Je poussais un grand soupire. Notre conversation fut interrompu par la sonnette, prévenant de l'arrivée imminente de Lucien.
-Voilà, répliqua Raphaël. Maintenant qu'il est là, on va pouvoir jouer et tu auras qu'à te défouler sur la manette.
-Je suis pas sûr que tu veuilles en racheter une autre, dis-je avec un sourire.
Il rigola et me demanda de rester ici le temps qu'il ouvre à Lucien. Je restais dans la chambre, sa chienne venant près de mes jambes me demander des caresses. Je souriais encore un peu. Je restais tout de même dégoûté de voir une société aux règles aussi ridicule dicter sa loi, laisser certains allez là où il ne faut pas, et empêcher d'autres de poursuivre leurs rêves...Il aurait du les suivre. Pour moi, il aurait été le meilleur médecin que la terre n'ai jamais porté.