Les attirances sexuelles sont une question d’acquis ? D’innée ? Est-ce quelqu’un nait homosexuel, lesbienne, bisexuel(le) ou le devient au fil du temps ? Peut-être les deux ?
Quand je me pose la question, je tente de me souvenir de mon propre parcours, et je n’ai pas vraiment la réponse. Je pense que dès mon plus jeune âge, j’ai exprimé une certaine préférence pour les garçons. Je me souviens des jeux étranges que j’avais faits avec un ami, lorsqu’on était très jeune, quand toutes ces histoires de sexualité, ces histoires de grand dépassait notre compréhension d’enfant en plein apprentissage de la vie. Je me souviens de mes rapports avec les filles, mes rapports avec les garçons, quelles personnes j’admirais, j’appréciais, je fréquentais, qui me rendait curieux…
Ce doit être vers mes 13 ans, lors de ma puberté, que j’ai exprimé une sérieuse préférence pour les garçons, lorsque les hormones commençaient à prendre possession de mon corps et me faisait découvrir des sensations à l’intérieur de moi-même que je n’avais jamais connu encore. J’aimais mieux les garçons, le corps des garçons, les mouvements masculins…Les filles me faisaient également un effet, mais bien moindre. Encore maintenant, je vois dans le corps d’une femme quelque chose de beau, d’esthétique, d’artistique, mais j’y retirais rarement un désir. Alors qu’avec les garçons, c’était du vrai désir. Le désir d’en découvrir un vrai, de le toucher…
Mais ça, je le vivais sans vraiment me dire « j’aime beaucoup les hommes ». Je ne concevais pas l’idée que j’étais gay. Cette prise de conscience, j’ai dû l’avoir il y a trois ans, lorsque j’ai redoublé ma troisième dans un lycée, quittant le système de scolarité à domicile dans lequel j’ai été piégé pendant 7 ans de ma vie. Les cours de biologie, les questions des élèves sur comment « fonctionnait » l’homosexualité...La réalisation était progressive, lente, et rapidement je me sentais coincé entre l’angoisse de me dire que j’étais gay, et la pensée que je n’étais encore qu’un adolescent qui devait trouver sa sexualité et peut-être que ça allait penser.
Mes préférences, je les ai acceptés seulement au début de cette année 2015. J’en parle avec beaucoup de naturel et tranquillité à ceux ouvert d’esprits et auquel je fais confiance, mais je crains toujours la critique des personnes les plus idiots et homophobes. C’est bien car je ne désire pas qu’on interprète mal qui je suis que je choisis avec beaucoup de soins ceux auquel j’en discute.
Sur mon forum rpg, le staff le savait. Après un certain temps, j’ai monté en grade et je suis devenu modérateur, pouvant siéger à côté des autres modérateurs et administrateur du forum. Nous étions cinq : Raphaël, Lucien, Cecilia, Maël et moi. Ils sont mes amis les plus fidèles et je savais que je pouvais être moi-même auprès d’eux. Personne n’allait m’y juger, et c’était libérateur.
Je savais auprès de qui je pouvais confier mes craintes.
-Essaye.
-Essayer ? Facile à dire, tu penses que je vais aller voir Raph, lui dire « salut je t’aime » et ce sera fini comme ça ?
-Dis pas des conneries, tu le feras pas de manière aussi expéditive.
Maël, 24 ans. Une sorte de grand-frère spirituel pour moi. C’est quelqu’un dont le passé et la psychologie me touche beaucoup. Nous avions l’habitude de nous confier nos problèmes chacun l’un l’autre, et j’aimais cette relation qu’on avait entre nous deux, basé sur la confiance, l’écoute et la protection. Nous avions tous les deux une très puissante sensibilité, et chacun savait gérer l’autre pour le calmer et être à l’écoute. J’ai vécu des moments très fort avec lui, des jours où il a pu me rassurer, et d’autres ou c’était à mois de lui tenir compagnie dans les heures les plus sombres de sa vie injuste.
Cette fois-ci, je lui ai expliqué que j’étais amoureux de Raphaël. Lucien mis à part, c’était celui qui connaissais le mieux Raph et qui pouvait me guider sur ce qu’il fallait que je fasse.
-Je sais…Mais ce que je ne sais pas, c’est comment lui dire.
-Avec des mots, ce serait bien.
-Tais-toi...
-Eh bien tu veux mes conseils où tu ne les veux pas ?
Je le regardais, demeurant silencieux. Je m’asseyais sur le canapé et lui fit un geste de la main pour l’inciter à parler.
-Je ne suis peut-être pas gay, mais j’ai connu des relations amoureuses. Beaucoup. Et ce que je peux te dire, c’est que le silence n’aide jamais. Imaginons que tu ne lui en parles pas. Tu gardes ça pour toi tout le temps et soit tu vas craquer et le lui dire dans une situation qui ne va pas t’aider du tout, soit tu risques un jour de le perdre de vue et ne plus avoir jamais l’occasion de lui en parler. A ce moment-là, tu vivras toute ta vie avec le regret de ne jamais avoir pu lui dire. Ou alors…Tu lui en parles, et on verra bien. Au mieux, il est peut-être gay aussi, sinon ce ne sera pas grave.
-Oui, et au pire il trouvera ça très perturbant, va peut-être ne plus vouloir me parler, ou alors souhaitera s’éloigner de moi. En lui disant ça, je mets juste en danger notre relation. Tu ne comprends pas, Maël : que l’on vive une relation amicale ou amoureuse, j’ai BESOIN de lui. Il m’apporte de la stabilité, du calme, des moments de paix…Il m’aide énormément, rien qu’à sa présence. Je ne veux pas tout gâcher.
-Raphaël n’est pas comme ça, tu le sais. Il ne va pas te prendre pour un monstre. C’est quelqu’un d’ouvert, et gentil. Il comprendra tout à fait par quoi tu passes.
-Mais…
Il se leva en râlant :
-Mais vous m’énervez tous, avec toutes ces choses que vous dites jamais car vous avez peur d’avancer, d’essayer, d’évoluer. Comment tu peux savoir si tu ne tentes pas ? Thel, le monde te donnera parfois des choses, et d’autres fois non. Tu seras confronté à des douleurs, des refus, des portes qui te claquerons au nez. Tu perdras des gens, des relations pendant toute ta vie et tu auras de grands moments de douleurs. Mais si tu n’agis pas, si tu ne fais jamais rien, tu n’auras pas non plus de nouvelles relations. Car parfois, ça va marcher. Tu vas tenter quelque chose et tout se passera bien. Tu connaîtras aussi des moments magiques, géniaux, et puis si Raphaël n’est pas le bon, ce sera quelqu’un d’autre. Si tu te bloques, en effet, tu n’auras jamais mal dans ta vie. Tu n’auras jamais mal, mais tu ne seras jamais heureux non plus.
C’était à son tour de sombrer dans le silence. J’évitais de croiser son regard, me sentant un peu honteux. J’avais juste peur que les choses se passent mal, c’était tout. Mais comme Maël l’avait dit, je ne connaitrais jamais de réussite sans tenter. Et puis Raphaël était intelligent. Il m’aimait bien, même si il n’était pas amoureux de moi, il m’aimait comme un ami proche, et je n’avais rien à craindre de sa réaction.
Il fallait que je le fasse…Faire et prier.
-Désolé de t’avoir hurlé dessus. Ce…N’est pas facile pour toi, je sais.
-J’ai peur, Maël…
Il s’approcha, s’assit à côté de moi sur le canapé et passa son bras autour de moi avec un léger sourire.
-C’est normal. Mais tout va bien se passer. Ce que tu fais, ça s’appelle vivre. Tu t’y habitueras.
Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement du coin de ma lèvre en soufflant. Il lui arrivait de se donner un air de professeur devant son élève, comme si il devait m’apprendre comment vivre et affronter les difficultés du monde. Mais il restait assez doux et protecteur, et il nous arrivait lorsqu’on était vraiment au bord de la dépression, de se rassurer mutuellement dans un câlin. Nous avions conscience tous les deux que le contact entre deux personnes qui ont de l’affections l’un pour l’autre pouvait être puissant et rassurant et qu’il fallait laisser exprimer dans une étreinte son soutien ou à quel point on aime l’autre et qu’on est reconnaissant de sa présence.
Et j’aimais énormément Maël. Pas de façon amoureuse, comme avec Raphaël, mais comme un grand ami et confident. Et aujourd’hui encore, je lui dois beaucoup de choses. Je lui dois par exemple le fait d'avoir essayé de suivre mon cœur et d'affronter mes peurs.