White Wolf
Posté le 31 Juillet 2015 par White Wolf
-Si tu prends mieux soins de toi, si je lui montre que je suis bien, que je n’ai pas de problèmes, je suis sûr que je réussirais, que je vais gagner son cœur, que l’on va être content, tous les deux…
-On ne sera jamais ensemble, je serais toujours seul. Il ne veut pas de moi…
-il doit aimer quelqu’un d’autre, ou il ment contre son cœur. Je suis sûr que c’est possible, mais qu’il ne veut pas m’avouer où est le problème, alors que si on en parle, tout marcherais bien…
-Je n’ai pas besoin de lui, je trouverais bien un jour quelqu’un d’autre…
-comment ce connard ose-t-t ‘il me refuser ? Je lui offre mon amour, mon affection, mon envie de l’aider, d’être à ses côtés. Je lui demande d’être celui qui me sauverait de la tristesse, mais refuse. C’est un enfoiré…
-Je dis des choses mauvaises. Je me fais du mal, je lui fais du mal. Je gâche toute ma vie actuelle. Je suis un incapable…
-il vit sa vie, est heureux, n’a pas besoin de moi, réussis. Je vais rester ici, seul, à vivre une vie maussade et à désirer encore et encore ce que je n’aurais jamais…

6 mois. 6 longs mois, où mes émotions contrôlaient mes pensées, mon état mon humeur. Six moi, où s’enchainaient l’énervement, la superstition, la paranoïa, la tristesse, la mélancolie, la honte, la haine…6 mois où je cachais la cause de ma déprime à mes parents, tentait de rester souriant, heureux, content. 6 mois où chaque nuit, chaque putain de nuit, je me retrouvais seul, dans le noir. Je voyais le temps passer, encore et encore sans que je ne trouve le sommeil, le moyen de m’endormir et tout oublier, l’espace d’un instant. Presque tous les soirs, j’imaginais qu’il était là, à côté de moi. Je voyais à ma droite le corps de Raphaël, allongé, me regardant dans les yeux, ou alors endormis, son bras autour de moi.

L’amour m’a rendu con…Il m’a rendu con, faible et dépendant. Je passais mon temps à dépendre des illusions que je me faisais moi-même. Je m’imaginais auprès de lui à chaque instant. Lit, salon, métro, lycée, salle de bain, cuisine, à une soirée, au cinéma…Je m’accrochais à mon amour pour lui, mais pourquoi ? Pourquoi, bordel de merde, je pensais toujours à lui ? Lui que je n’aurais jamais, qui ne m’aimerais jamais, et auquel je m’accrochais, comme si un jour ça serait possible entre lui et moi.

Il ne s’agissait pas d’une petite amourette. Non, pas du tout. Je le voulais, lui et uniquement lui, personne d’autre. Je voulais cet ange, ce dragon céleste, cette seule et unique beauté du monde qui illuminait mon quotidien, me permettait de voir ma vie du bon côté. Et je rêvais…Je rêvais de ses taquineries, qu’ils m’auraient fait pour voir ma réaction. Je rêvais de ses regards vers moi, ses sourires qu’ils m’offraient. Je rêvais de notre premier baiser, le premier de toute ma vie que je lui aurais offert sans broncher un seul instant. Je rêvais de ce qu’aurais pu être notre première nuit ensemble. De toute les caresses, la tendresse et la douceur que je lui aurais offerte, de toute la passion avec laquelle j’aurais enrobé son corps et son âme. De quand je lui aurais offert le miens sans hésiter un seul instant. Je m’imaginais à quoi aurait ressemblé les premiers jours entre nous, les semaines, les mois…Je rêvais d’un appartement. De comment aurait été la vie auprès de lui, dans un seul et même lieu. D’à quel point je ne me serais jamais lassé de lui, jamais un seul minuscule instant. D’à quel point le monde aurait pu sembler si beau quand je l’aurais regardé dans le reflet de ses yeux d’ambres.

Oui, je voyais loin. Oui je n’exagère pas, penser à tout ça me donnait envie que ça se produise. Vous pouvez trouver ça ridicule, surjoué de ma part…mais je n’en ai rien à faire. Il s’agit de mon ressentis, mon vécu émotionnel, mon paradis à moi et peu importe que vous ne me prenez pas au sérieux ou non, car c’est la réalité. La réalité de mes sentiments envers lui à ce moment-là. Car tout était puissant : joie, haine, tristesse, espoir…Tout sentiment était trente fois plus puissant qu’en temps normal.

C’est fou comme un rien peu affecter quelqu’un. Qu’il suffit d’appuyer dans un endroit précis où il ne fallait pas pour que tout explose. Mes limites avaient été poussées, je sombrais dans la dépression, dans le noir, l’abysse, et ce tunnel sombre qui semble infini, où toutes les idées obscures se réunissaient pour me convaincre que je ne pouvais pas être heureux. Que je détestais ma vie et me détestais moi-même.

En temps normal, j’aurais dit que c’était ridicule de ma part, mais ce n’était pas comme si je pouvais en parler à beaucoup. Ma famille n’était pas au courant que j’étais homosexuel et je n’étais pas prêt à leur dire. Je n’en parlais pas beaucoup non plus à mes amis, seulement ceux de mon forum. Et mon confident a toujours été Raphaël. Je n’allais pas le consulter pour parler d’un problème dont il était concerné.

Ce qui m’avait tué, et m’avait empêché d’aller mieux, c’était la solitude. Je ne communiquais avec personne. Personne pour m’entendre, et réagir, me dire que tout ira mieux et qu’il fallait que je passe à autre chose. On ne se rend pas compte à quel point c’est important, car on a beau se rendre compte de certaines choses, parfois il faut l’aide de quelqu’un pour agir, pour nous faire réagir.

-Peut-être que tu ne connais juste pas assez de personnes comme toi.

Et ça, ce fut la phrase clé, celle qui me permit de me sortir un peu de mon auto-apitoiement. L’une des rares phrases censées, qui permet de faire un travail sur soi-même, parmi toutes les pensées défaitistes de ma mentalité en miette qui ne faisait que me stagner dans un état de frustration et de tristesse.

En février, je discutais avec mon professeur de sciences économiques et sociales. Nous nous étions mis à discuter des épreuves anticipées du bac ensemble entre deux cours et je ne me souviens plus comment la discussion a débouché à mes histoires sentimentales, mais je me suis confié à lui. C’était un prof que j’aimais beaucoup : la trentaine (si je me souviens bien), barbe de trois jours, des petits yeux de chiots et une mode vestimentaire tout à fait décontractée et sans marqueur social prédéfinis. Il venait en skate, de la musique dans son casque tandis qu’il sifflotait des airs de classique ou de variété avant de rentrer en cours. Et puis je me disais qu’il devait être ouvert sur la question des orientations sexuelles, vu qu’il osait porter parfois un t-shirt avec deux lesbiennes nues s’embrassant sensuellement pour aller travailler.

-Tu connais d’autres personnes comme toi, Thelonius ?

-Non…Il y a bien un couple gay qui sont des amis de ma famille, mais je ne les aient vues qu’une fois à une soirée. Autrement, je n’en ai jamais vraiment rencontré.

-tu sais, beaucoup se cachent. Certains n’assument pas, d’autres veulent garder ça pour eux et considérer ça comme leur vie privée. Peut-être que tu as des connaissances bisexuelles ou homosexuelles, mais tu ne le sais pas.

-Eh bien ça me fait une belle jambe.

Je croisais les bras et soupirais, tandis que je m’adossais sur le coin du banc, regardant mes chers camarades de classes fumer une clope après l’autre en prenant part à des discussions effrénées et surexcitées sur des sujets qui m’inspiraient le moins du monde. Je tournais à nouveau le regard vers mon professeur lorsqu’il m’adressa à nouveau la parole :

-Les milieux homo sont discrets, restreints. Même avec les efforts pour rendre le monde plus tolérant vis-à-vis des orientations, les cercles sont bien à l’écart des autres et restent parfois assez opprimés. Opprimés n’est pas le bon mot…disons que la société, aussi neutre tente-t-elle d’être, ne donnent pas toute l’air que ces milieux voudraient posséder. Bon…ça va bientôt sonner, j’aimerais prendre un café avant que les cours reprennent.

-D’accord. Désolé de vous avoir dérangé

-Y’a pas de quoi.

Il me fit un sourire et se rapprocha encore un peu de moi.

-Tu as bien géré les choses, Thelonius. Les choses auraient pu être pire avec Raphaël, mais tu as fait les bons choix et considère ça comme une simple erreur nécessaire pour grandir et apprendre un peu plus sur la vie.

Il est vrai que tout aurait pu être pire. J’aurais pu me battre avec Raphaël, me disputer furieusement avec lui, notre relation aurait pu se dégrader et peut-être même qu’il n’aurait plus jamais voulu me voir. Car c’était l’une de mes plus grandes peur dans toute cette histoire : plus que de ne pas avoir son amour, j’avais peur de perdre son amitié, de le perdre à jamais et de ne plus le revoir à cause de mes conneries.

Mais non…non, il était toujours là. Il m’a pardonné pour ne pas pouvoir me donner l’amour qu’il voudrait que je reçoive et tous les soirs, il était sur skype, à me parler, me demander comment j’allais, à être attentionné, amical, comme on l’avait toujours été entre nous. Parfois, il me demandait si j’étais triste à cause de lui. Je sais qu’il se sentait coupable, mais je le rassurais toujours et lui disait que son avenir était avec une femme qui l’aimait, et non pas un homme, quand-bien même il l’aimait. Car c’est son choix, c’est son orientation : il est hétérosexuel, et tout comme je demande le respect des autres sur ma sexualité, je respecterais toujours ceux qui sont différentes des miennes.

J’avais parlé à Raphaël sur skype de ma conversation avec mon professeur. Lui qui voulait que je lui parle si je me sentais mal, devait se réjouir de voir que je lui faisais toujours assez confiance pour lui parler de mes soucis et mes expériences existentielles.

« -Un forum gay !

-Quoi ?

-On s’est rencontré sur un forum, tout comme Lucien et Maël. Alors pourquoi tu ne t’inscrirais pas sur un forum pour gay ?

-Sois pas ridicule.

-Je ne le suis pas. Ça me semble très sensé. Tu ne trouveras pas des communautés aussi facilement en marchant aléatoirement dans la rue, ou en tout cas, pas des recommandables. Et puis tu as vu que tu pouvais faire des belles rencontres sur un forum, alors pourquoi pas avec d’autres personnes comme toi ?

-Car entre nous, c’est de l’écriture, d’accord ? C’est car on est fan d’écriture, de livre, de fantasy qu’on s’est connu. On a des points en commun qui nous unis, un but précis : écrire. Sur un forum lgbt…je sais pas sur quoi je vais tomber.

-Des personnes avec qui tu as au moins un point en commun.

-Oui, je sais, on sera tous gay, youpi tralala…Mais ça ne change pas le fait que je ne sais pas à quoi m’attendre une fois inscrit. J’ai peur de tomber sur quelque chose auquel je ne m’attendais pas, peut-être me faire harceler à longueur de journée par des pervers voulant des plans-cam ou autre. Et rien ne me dis que je vais m’entendre avec quelqu’un.

-Thelo…Juste fais-le. C’est mon conseil, je pense que ça pourrait vraiment t’aider, simplement le fait d’en parler avec des personnes qui sont comme toi, ressentent la même chose que toi. Je veux t’aider, vraiment…Mais je suis pas capable de le faire de manière parfaite, ou même efficace. C’est pareil pour les autres : je fais confiances à ceux auquel tu en parles, mais ils leur manque tous le sentiment que ça fait d’aimer quelqu’un de l’autre genre. Tu devrais t’inscrire quelque part, ne serait-ce que pour en parler, pas forcément pour sympathiser, mais au moins en discuter avec d’autres, ou écrire dessus.

Ecrire dessus…

Je regardais dans mes documents, pour ouvrir un dossier que j’avais écrit, un bref petit résumé de mes sentiments lors de ma dépression. Lorsque je l’avais écrit, ça m’avait fait du bien. Au fil des lettres, des mots, des lignes, des pages, j’avais l’impression de passer petit à petit à autre chose, de réaliser des choses dont je ne m’étais jamais rendus compte auparavant. L’écriture à ce bon côté de montrer une nouvelle vision de son auteur, ce qui aide vraiment à la remise en question.

-…Peut-être que je devrais essayer, oui. Je verrais ça. Merci Raph

-T’inquiètes, me remercie pas, ça me fait plaisir de t’aider. Bon, je dois aller manger, je reviens plus tard

-D’accord, bonne soirée…



Je t’aime.

Je t’aime…et même si ce n’est pas réciproque, ce n’est pas grave. Quand on aime vraiment, on passe le bonheur de l’autre après le siens, et c’est ce que je fais. Tu n’aurais pas été heureux avec moi, car je ne suis pas fait pour toi et je comprends. Je veux que tu sois heureux. Je veux que tu continues de progresser dans la voie que tu as choisis, que tu trouves une fille qui te plais et que tu vives une vie avec ta promise. Que tu ais des enfants que je n’aurais jamais pu te donner et une belle vie que je n’aurais jamais pu t’offrir également. Je sais que tu es complexé par ce besoin d’être bien vu, d’être parfait aux yeux des autres en remerciement de ce qu’on te donne et de rester humble. Je sais que tu as peur de prendre plaisir à être bon car « si j’y prend plaisir, c’est égoïste ». Mais n’oublie jamais qu’il y a des personnes auquel tu as donnés du temps, de l’aide, des conseils, et j’en fais partis. Et moi, comme les autres, nous nous devons de te remercier. Tu dois accepter qu’on te complimente, qu’on te félicite, qu’on t’apprécie, tu dois accepter de t’aimer comme tu es, car tu sais ce que tu es ? Tu es formidable. Tu es doux, sensible, créatif, gentil, humble, honnête, la meilleure personne que j’ai vue de ma vie. Une perle rare dans ce monde remplis de mauvaises personnes et d’insensibles égoïstes. Tu es une perle qui mérite de vivre heureux, avec la bonne personne. Et tu as intérêt à ce que ça se passe comme ça, car je veillerais chaque jour, chaque putain de jour à ce que tout se passe bien dans ta vie. Tu penses à mon bien, et je veillerais au tiens, jusqu’à ma mort. »

Je lui envoie ce pavé, avant de me déconnecter de mon skype, sans attendre qu’il ne revienne, et fermer mes onglets : ma musique, mon jeu, mon forum…J’allume internet et me connecte sur mon compte ganym. J’ouvre mon blog et réfléchis…réfléchis…Comment parler de cette histoire ? Cette histoire d’amour foireuse entre moi et le plus bel homme de ma vie ? Comment parler de toute ces premières fois que j’ai vécues ? Car ça faisait beaucoup de premières fois, des premiers échanges, des premiers doutes et des premières craintes. De ma première déclaration, mes premières blessures...Mais ce que je sais dorénavant, c’est qu’il y en aura d’autres. Je connaitrais d’autres histoires, d’autres romances, qui ne marcherons pas, ou alors marcherons, et je vivrais en traversant la mer dans mon radeau, tantôt affrontant la tempête, tantôt dormant en étant bercé par le murmure des vagues. Car l’homme est fait pour ça, pour affronter le danger, pour vivre, apprendre et ne plus commettre d’erreur. Pour endurer, souffrir, puis apprendre à ne plus jamais se laisser avoir. Pour finir par comprendre où se situent les chemins dangereux et ainsi prendre les meilleurs choix.

Car les premières fois ne sont jamais les dernières. Car les premières fois représentent juste le commencement.

<the end>
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